jeudi 4 avril 2013

Transformation


Peinture de Maria
Mon souffle coule en un courant rythmique subtil;
      il emplit mes membres d'une puissance divine:
      J'ai bu l'Infini comme un vin de géant.
Le Temps est mon drame ou mon spectacle de rêve.
Mes cellules illuminées sont dès lors un schéma flamboyant de la joie
     et les fils frémissants de mes nerfs changés en fins
     canaux d'ivresse, opale et hyalite,
pour l'influx de l'Inconnu-et-le-Suprême.

Je ne suis plus vassal de la chair,
    esclave de la Nature et de sa règle de plomb;
         Je ne suis plus captif des rets étroits des sens.
Mon âme dés-horizonée s'étend à une vue immesurable,
    mon corps est l'heureux outil vivant de Dieu,
         mon esprit un vaste soleil de lumière immortelle.

Sri Aurobindo

Extrait de "Les poèmes de Sri Aurobindo" (1933/34)

Libération


Peinture de  Maria

J'ai rejeté de moi la danse de girouette du mental 
et me tiens libre désormais dans le silence de l'esprit,
sans le temps ni la mort au-delà du genre des créatures,
le centre de ma propre éternité.

Je me suis échappé, le petit moi est mort;
Je suis immortel, seul et ineffable;
Je suis sorti de l'univers que j'ai créé
et devenu sans nom et sans mesure.

Mon mental est calmé dans une lumière immense et sans fin,
mon coeur une solitude de délice et de paix,
mes sens dépris du toucher, du son, de la vue,
mon corps un point en de blanches infinités.

Je suis de l'Etre un seule immobile Béatitude:
nul ne suis-je, moi qui suis tout ce qui est.

Sri Aurobindo

Extrait "Les poèmes de Sri Aurobindo" (27-7-1938)




mercredi 3 avril 2013

Le Jardin de la Présence





La Présence est lente
Elle a besoin du moment infini
Pour abolir les contours du temps
Les prisons de l’espace.
Elle a besoin de creuser la seconde
Pour entrer dans une action simple:
Arroser la plante assoiffée,
Cirer longuement la table, et la polir
Jusqu’à son ultime étincellement.
La Présence est comme une voleuse
Qui se glisse par effraction
Dans le geste le plus humble,
Dans la vision la plus modeste
D’un regard quotidien.
Elle habite pourtant
Depuis l’aube du monde
Chaque cellule vivante
Et se nourrit à chaque instant
De l’existence ordinaire.
Elle brille secrètement
D’une lumière si intense
Que nul ne pourrait s’en saisir
Et en faire une croyance.
Comme un vol d’oiseau
Qui s’enivre de liberté
Elle échappe à la forme
Et la contient toute entière
Elle dissout les vérités
Lorsqu’elles se figent
Et n’est jamais prisonnière.
Mais si le coeur a fleuri
Au soleil de la Présence
Plus rien ne peut l’atteindre
Si ce n’est la joie
Transparente et nue
Qui jaillit de la source
Et danse pour le rien ou le rire
Ou même pour l’illusion
Qui fait croire à la vie.

Marianne Dubois